Les supplicées d’Appoigny – Sabrina Champenois

« Aider, c’est dans les cordes de tout le monde, ça n’exige pas de compétences précises. »

Les supplicées d'Appoigny - Sabrina Champenois
En librairie depuis le 27 mars 2025  chez 10/18 –  208 pages, 8.30€

Parfois, un livre ne se lit pas. Il se traverse. Il se prend en pleine poitrine. Il bouscule nos repères, notre confort de lecteur, notre besoin de fiction. C’est exactement ce que m’a fait vivre Les Suppliciées d’Appoigny, un True Crime signé Sabrina Champenois, journaliste au journal Libération que j’ai eu la chance de rencontrer au festival Quais du Polar.

Une rencontre marquante

J’ai donc découvert Sabrina Champenois à Lyon, lors du festival Quais du Polar, et cette rencontre a profondément résonné en moi. Passionnée, engagée, vibrante de sincérité, elle m’a parlé de son livre avec une intensité rare. J’ai su que je le lirais… même si je pressentais que ce serait difficile.

C’est une première pour moi. Je n’avais jamais lu de True Crime, ce genre narratif entre littérature et journalisme, où les faits réels priment sur la construction romanesque. Pas d’artifices ici. Pas d’évasion. Juste la brutalité du réel, la violence crue des faits, l’horreur nue d’un procès ubuesque. J’ai mis du temps à entrer dans cette forme. Parce que j’en avais besoin. Parce que la vérité y est brute. Dérangeante. Terrifiante.

Huguette et Mickaëlla. Deux jeunes femmes, pupilles de la DDASS. Deux victimes d’un système défaillant. Séquestrées, violées, torturées, vendues. Et pourtant, encore debout. Ce sont elles les héroïnes silencieuses de cette affaire qui glace le sang. Ce qu’elles ont vécu dépasse l’entendement, et pourtant, Sabrina Champenois parvient à en parler sans tomber dans le voyeurisme.

Elle nomme. Elle expose. Elle met à jour l’indicible, parce qu’il le faut. Pour que nous sachions. Pour que ces voix ne soient pas enterrées sous l’oubli ou l’indifférence. Parce que ce qu’elles ont subi ne peut rester impuni dans les mémoires.

Les bonnes raisons :

  • Pour sortir de sa zone de confort littéraire et comprendre ce qu’est le genre True Crime.
  • Pour rendre justice à des victimes qu’on a trop longtemps fait taire.
  • Pour la rigueur et la sobriété du travail journalistique de Sabrina Champenois.
  • Parce que c’est un livre qui remue, qui réveille, qui dénonce.

Les moins bonnes raisons :

  • Si vous cherchez une lecture qui vous divertira ou vous fera « oublier le monde », passez votre chemin.
  • Si vous êtes sensibles aux récits de violence sexuelle, ce livre peut être extrêmement éprouvant.
  • Si vous aimez les narrations très romancées, vous serez désorienté par la froideur clinique de certains passages.
  • Si vous attendez une forme de résolution ou de justice réparatrice, vous risquez de sortir frustré et en colère.

Je ne me sens pas légitime à « noter » ou « juger » un tel livre. Ce n’est pas une fiction. Ce n’est pas un thriller noir. C’est un document, un cri, une plaie béante de notre histoire récente. Et même si ce n’est pas un genre fait pour moi, je suis heureuse de l’avoir lu. Parce qu’il m’a rappelé que certaines lectures sont là pour témoigner, pas pour plaire.

Merci à Sabrina Champenois pour son courage, son intégrité, et pour avoir donné une voix à celles qu’on a voulu faire taire.


1984. Une jeune femme s’échappe d’un pavillon. Elle raconte son calvaire. Qui rappelle d’autres disparues.

Janvier 1984. À Appoigny, petit bourg de l’Yonne à quelques kilomètres d’Auxerre, une jeune femme de 18 ans parvient à s’échapper de l’enfer dans lequel elle vit depuis trois mois. À la police, elle raconte : un couple en apparence ordinaire, Claude et Monique Dunand, l’a séquestrée dans la cave de leur pavillon, où elle a subi viols et tortures à caractère sexuel. De la part du maître de maison mais aussi d’une trentaine de  » clients « , des hommes qui payaient pour lui infliger ces sévices. Elle en porte les stigmates. Et Huguette alerte: une autre fille, Mickaëlla, est encore prisonnière, et en grand danger. Comme Huguette, elle a été recrutée par le couple via une offre d’emploi ; comme Huguette, elle est pupille de la DDASS. De ces jeunes femmes, Claude Dunand savait que leur disparition n’inquièterait pas grand monde, voire personne. Lors de sa fuite, Huguette a eu la présence d’esprit d’emporter des photos et des carnets de Dunand. Pourtant, lors du procès qui se déroule à Auxerre fin 1991, et malgré une longue instruction, les accusés ne seront que trois dans le box. Car entretemps, les carnets, pourtant mis sous scellés, se sont volatilisés.

Le verdict tombe : Claude Dunand est condamné à perpétuité. Mais, sans période de sûreté, il sera libéré dix ans plus tard.

Après le procès, plusieurs témoins liés à l’affaire vont mourir dans d’étranges circonstances, et Pour Huguette et Mickaëlla, c’est la double peine. Comment expliquer ces anomalies ? Bientôt, la rumeur enfle: Claude Dunand a parlé d’une  » organisation « , de clients haut placés, de notables. Des individus qui auraient eu grand intérêt à adoucir sa peine, en échange de son silence. Et Dunand ne serait-il pas lié à Emile Louis, le boucher de l’Yonne, plus tard condamné pour l’assassinat de sept jeunes femmes placées à la DDASS ?

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