La Gula – Efsy Washington

« Il se saisit de son iPhone, par réflexe, pour remplir le vide qu’il ressent.
Pas de messages.
Pas d’appels.
Rien pour lui faire oublier ce sentiment de n’être pas grand chose. »

La Gula - Efsy Washington
En librairie depuis le 8 mai 2025 chez Magnus –  384 pages, 21€ (acheté sur Vinted)

Voilà, nous y sommes. Ce moment où je ne sais absolument pas comment écrire un article. Je n’ai jamais eu la prétention d’être une « chroniqueuse littéraire », mais j’aime écrire, ici, ce que me font ressentir les livres que je découvre. Ça fait partie intégrante de mon expérience de lectrice, de ma façon de lire et d’appréhender chaque histoire… Qu’en ai-je retenu ? Comment me suis-je sentie ? Offrirais-je ce livre à un proche ? Si oui, à qui ? Voilà ma manière de penser avant d’écrire mon avis.

Lire (ou pas) La Gula, un choix conscient

Je vais être honnête : je ne suis pas arrivée dans La Gula par hasard, mais pas non plus par recommandation euphorique ou envie irrépressible. J’y suis venue en toute conscience, armée d’un certain recul, après avoir vu circuler ce livre sur les réseaux et dans quelques discussions littéraires. Je l’ai trouvé sur Vinted, ce qui n’est pas anodin. Je ne soutiens plus la maison d’édition qui le publie, ni ses prises de position, ni sa communication, ni son image. J’ai été partenaire par le passé. Puis j’ai pris mes distances. Je ne me sentais plus alignée. Je ne me sentais plus à ma place.

Alors oui, c’est paradoxal d’en parler ici. Mais je ne me cache pas. Je signe cette chronique en toute transparence. Parce que je crois qu’on peut parler d’un livre même si on ne valide pas tout ce qui l’entoure. Parce que ce n’est pas tant une recommandation qu’un partage d’expérience. Et quelle expérience.

Ce qui m’a frappée, au-delà de la violence des scènes, c’est cette façon de nous prendre à partie. Comme si la lecture elle-même devenait un acte de confrontation. Et parfois, clairement, je me suis sentie jugée. Comme lectrice. Comme femme. Comme citoyenne. C’est purement personnel ce ressenti. Complètement subjectif et c’est sûrement dû au fait que ce livre fait bien cogiter.

L’auteur s’en prend notamment à un type de fiction que j’affectionne : celle qu’il qualifie de « rassurante », « édulcorée », « faussement engagée ». Ces histoires où l’on peut s’attacher aux personnages. Où la morale existe. Où la lumière a sa place, même dans les ténèbres.

Eh bien vous savez quoi ? Oui, j’aime ces lectures-là. Et non, je n’ai pas à rougir de ce choix. Lire La Gula ne m’a pas vaccinée contre le thriller noir ou les romans engagés. Mais cela m’a confortée dans l’idée que je n’ai pas besoin que mes lectures m’abîment pour me sentir légitime.

Parce que j’ai choisi de le faire. Parce que j’étais prévenue. Parce que quelques lecteurs et lectrices m’avaient dit, après avoir eu les boyaux retournés sur les 25 premières pages : « Vas-y, après ça va« . Et j’ai voulu voir ce que ce roman avait dans le ventre, au-delà du choc initial. Et effectivement, j’ai compris que ce n’était pas juste de la violence gratuite : il y a un propos. Une colère. Une rage sourde et bruyante. Une volonté d’explorer et d’exposer la monstruosité des systèmes et pas seulement des individus.

Derrière son apparence de polar très noir, La Gula est avant tout un manifeste, une gifle politique, un cri contre l’impunité, le patriarcat, les violences sexuelles, les silences complices, les extrêmes. C’est aussi une réflexion sur les limites de la justice institutionnelle, le tribunal médiatique, les ravages du sensationnalisme, les dérapages du militantisme.

Efsy Whashington tire dans tous les sens et parfois, c’est difficile de savoir où on se situe, en tant que lecteur ou lectrice. On est bousculé, volontairement. On est pris à partie, peut-être involontairement. Je ne suis pas une sensitivity reader, comme l’auteur nous nomme à l’avance. Mais je suis une personne sensible, engagée, informée. Et certaines pages m’ont mise mal à l’aise.

Ce roman adopte parfois une posture très binaire : il y a les bons et les méchants, les éveillés et les hypocrites, les coupables et les aveugles. Et même si je comprends l’intention (dénoncer les extrêmes, forcer à sortir de la tiédeur), je me suis sentie, à plusieurs reprises, prise entre deux feux, comme si je n’étais jamais assez bien positionnée. Peut-être est-ce justement l’intention de l’auteur, si c’est le cas, c’est réussi.

Les bonnes raisons :

  • Parce qu’il dérange. Et c’est parfois salutaire. On lit trop souvent dans sa zone de confort. Là, on est happé, confronté à ses propres valeurs, à ses propres contradictions.
  • Parce que les thèmes abordés sont puissants et actuels. Violences faites aux femmes, féminicides, impunité des hommes de pouvoir, politique spectacle, double discours, tribunal du net…
  • Parce que c’est un ovni littéraire. Il ne ressemble à rien de ce qu’on lit habituellement dans le thriller français. Et ça, en soi, c’est une qualité.
  • Parce qu’il questionne le rôle de la littérature. Est-ce qu’un roman doit être agréable ? Ou est-ce qu’il peut être utile, même s’il dérange ? La Gula opte clairement pour la seconde option.
  • Parce qu’il ne laisse personne indifférent. Que vous l’aimiez ou non, vous en sortirez secoué.

Les moins bonnes raisons (ou les points faibles) :

  • Une violence frontale et explicite. Attention : certaines scènes sont vraiment difficiles à lire. Gore, insoutenables, réalistes au point de vous donner des nausées. C’est voulu, mais c’est vraiment dur.
  • Un manichéisme un peu trop appuyé. Les discours sont parfois très tranchés, sans nuances, comme si toute réflexion devait forcément être radicale. C’est comme ça que j’ai perçu les choses en tout cas.
  • Des personnages plus archétypes que figures incarnées. L’auteur semble jouer volontairement sur les clichés mais cela empêche l’attachement émotionnel (je pense qu’il s’en fiche complétement!).
  • Un style plus efficace que littéraire. L’écriture n’est pas ce qui m’a accrochée. Ce n’est pas une plume qui cherche la beauté : elle cherche l’impact.
  • Un récit éprouvant. Il faut être prêt à le lire. Ce n’est pas une lecture de détente, ni un roman qu’on peut recommander à la légère.

La Gula n’a pas besoin de moi pour faire parler de lui. Il fait du bruit. Il dérange. Il fascine autant qu’il écœure. C’est un roman qui divise, qui choque, qui pousse dans les retranchements.

Je ne vous dirai pas de le lire. Je ne vous dirai pas non plus de l’éviter.
Je vous dirai simplement ceci : si vous décidez de vous y plonger, sachez dans quoi vous vous embarquez. Lisez l’avant-propos. Écoutez ce qu’il vous dit. Et si vous continuez, ce sera un choix. Un vrai.


Toute ressemblance avec des personnages connus est voulue et assumée Un ancien ministre favori des présidentielles, accusé de viol. Un tueur en série insaisissable qui s’en prend à des jeunes femmes depuis les années 90.Une justicière de l’ombre qui élimine les tueurs de femmes. Une flic surdouée, presque trop. Quatre personnages dont le destin va se croiser. Dans ce thriller politique haletant, Efsy Washington nous offre un monument de tension et de subversion.

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