N’invite pas la forêt à entrer – C.G. Drews

« Tu n’as jamais voulu être autre chose afin… afin qu’on veuille toujours de toi ? »

N'invite pas la forêt à entrer - C.G. Drews
En librairie depuis le 28 août 2025 chez DeSaxus –  318 pages, 24.90€

Quand la beauté se mêle à l’horreur

Chers vous,

Il est des livres qui surgissent sans prévenir et s’imposent comme une expérience plus qu’une lecture. N’invite pas la forêt à entrer de C.G. Drews appartient sans conteste à cette catégorie.

C’est ma petite sœur qui m’en a d’abord parlé, l’ayant découvert en version originale. Ses mots, son enthousiasme, son trouble m’ont intriguée et c’est finalement elle qui me l’a offert (encore merci!). Ce n’est pourtant pas le type de roman que je choisis habituellement, trop étrange peut-être. Mais parfois, il faut se laisser happer par ce qui nous titille, et j’ai bien fait : ce roman est un véritable ovni littéraire, un texte hybride et marquant, à la croisée des genres, entre conte sombre, dark fantasy et body horror.

Je pourrais vous parler davantage de l’intrigue, des révélations qui jalonnent le récit et du rôle exact que joue cette forêt inquiétante. Mais je choisis volontairement de ne pas m’étaler sur le fond de l’histoire.

Pourquoi ? Parce que N’invite pas la forêt à entrer est de ces romans qui se vivent mieux dans la découverte. Chaque indice, chaque métaphore, chaque image glissée par C.G. Drews prend du sens petit à petit. Révéler trop tôt certains éléments serait vous priver de cette progression, de cette tension sourde qui fait l’essence même de la lecture.

Je préfère donc vous laisser entrer dans la forêt à votre rythme, avec vos propres peurs et vos propres intuitions.

Dès les premières lignes, le ton est donné : l’histoire s’ouvre sur une image brutale, viscérale, qui nous projette dans un univers où la douleur et la beauté se confondent. Andrew, le narrateur, est un adolescent hypersensible, timide, fragile, qui trouve refuge dans la forêt voisine et dans les contes macabres qu’il écrit. Son monde intérieur est déjà inquiétant, mais c’est la forêt elle-même qui devient personnage à part entière : un espace organique, mouvant, vivant, qui respire et menace, à la fois fascinant et terrifiant.

Tout, dans ce roman, contribue à créer une atmosphère oppressante et magnétique :

  • La forêt, décor hypnotique, aussi belle qu’inquiétante.
  • Les personnages, imparfaits, écorchés, aux fêlures profondes.
  • Le mystère qui plane autour de Thomas et de la disparition de ses parents et celui qui rode autour de la forêt.
  • L’écriture elle-même, qui agit comme un piège : une fois happé, impossible de s’échapper.

On est ferré, captif et ce sentiment ne nous quitte plus jusqu’à la dernière page.

Si ce roman marque autant, c’est aussi grâce à la plume de l’autrice. C.G. Drews a ce talent rare de transformer les mots en images. Chaque phrase est une métaphore, chaque paragraphe une vision. Elle ne se contente pas de raconter, elle peint, elle sculpte, elle fait ressentir physiquement ce qu’elle décrit. Les illustrations aident énormément à alimenter notre imagination.

Le résultat est double :

  • Une immersion totale, où l’on vit presque corporellement la douleur, la peur, l’amour ou la mélancolie des personnages.
  • Une ambivalence constante, où la beauté et l’horreur s’entrelacent au point de devenir indissociables.

C’est ici que se loge l’originalité du roman : dans cette capacité à mêler poésie et horreur, lyrisme et cruauté. On entre dans une forme de botanical body horror, un sous-genre qui transforme la nature en menace organique, en prolongement du corps humain, jusqu’à brouiller les frontières entre chair et végétal.

Au-delà de la forêt et de son pouvoir, ce roman est avant tout porté par ses personnages. Andrew, fragile et hypersensible, est d’une intensité bouleversante. Sa perception du monde, exagérée, hyperlucide, presque douloureuse, résonne comme un cri permanent. À travers lui, l’autrice explore la question de la vulnérabilité, de l’incompréhension, de la différence.

Thomas, lui, est sauvage, magnétique, sombre et lumineux à la fois. Son amitié avec Andrew (ou devrais-je dire leur lien, bien plus profond que l’amitié) est au cœur de l’intrigue. Tous deux sont des êtres à la fois beaux et terriblement incompris, oscillant entre douceur et douleur, lumière et noirceur. Ce duo, fragile et puissant à la fois, est la vraie force émotionnelle du roman.

La construction du récit joue aussi beaucoup dans l’expérience de lecture. Pendant une bonne partie du roman, je ne savais pas où l’autrice voulait me mener. Les indices sont distillés subtilement, parfois trop subtilement, et c’est seulement au fil des pages qu’ils prennent sens.

Je dois avouer que j’ai fini par deviner l’un des éléments centraux de l’histoire, tant les signes étaient là pour qui voulait bien les voir. Mais loin de gâcher mon plaisir, cela a renforcé l’impression que ce livre fonctionne comme un conte initiatique inversé, où le lecteur avance pas à pas dans une forêt symbolique et terrifiante, découvrant peu à peu ce qui s’y cache.

Les bonnes raisons :

  • Une atmosphère unique, sombre et poétique, qui envoûte dès les premières pages.
  • Une écriture immersive, métaphorique, qui transforme chaque phrase en image.
  • Des personnages d’une intensité rare, fragiles et bouleversants.
  • Une parfaite fusion entre dark fantasy, conte gothique et horreur organique.
  • Un roman qui fait vivre une expérience, plus qu’une simple histoire.

La « moins » bonne raison :

  • L’ambiance sombre et la dimension body horror rebuteront ceux qui préfèrent les lectures légères.

N’invite pas la forêt à entrer n’est pas un roman consensuel. Il divise, et il doit diviser. On l’adore ou on le rejette, mais il est impossible d’en sortir indifférent. Pour ma part, j’ai été fascinée, happée, parfois horrifiée, mais toujours profondément émue par ce que ce texte dégage.

Ce livre est une expérience sensorielle et émotionnelle : il fait naître des images, des sensations, des émotions contradictoires. La beauté et la laideur s’y confondent, la poésie et l’horreur s’y enlacent, la lumière et l’ombre s’y affrontent.

Lire ce roman, c’est accepter d’ouvrir une porte. Derrière cette porte, il y a la forêt. Une forêt sombre, inquiétante, carnivore peut-être. Mais une forêt qui reflète aussi nos peurs, nos failles, nos désirs inavoués. Inviter la forêt à entrer, c’est accepter d’être bouleversé. Et une fois la porte franchie… il est déjà trop tard pour reculer


Il était une fois un garçon qui se planta un couteau dans la poitrine et se l`ouvrit…
Timide et réservé, Andrew Perrault a toujours trouvé refuge dans l`inquiétante forêt derrière son école et dans les contes macabres qu`il écrit. Ses seuls amis sont Dove, sa soeur jumelle, et Thomas, un garçon sauvage au sourire piquant comme des épines et aux cheveux roux comme des feuilles mortes.
           
Mais le jour de leur rentrée en dernière année, tout a changé. Dove et Thomas sont distants, et les parents de ce dernier ont mystérieusement disparu.
Alors que tous soupçonnent son ami d`être un assassin, Andrew sent que quelque chose de sombre est à l`oeuvre.
Quelque chose qui hante la forêt.
Quelque chose qui a soif de sang.    
 
 
 

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