« Le temps est la seule chose contre laquelle on puisse rien faire. »

L’ombre, la justice et l’humanité en tension
Chères lectrices, chers lecteurs,
Il y a des livres qu’on attend, d’autres qu’on repousse un peu. Et puis, il y a ceux qui vous attrapent à un coin de rayonnage, un peu par surprise, grâce à une rencontre, celle d’une libraire qui vous connaît par cœur, merci Myriam et qui vous forcent doucement la main. Everglades de R.J. Ellory, je pensais le lire plus tard. Finalement, même si j’ai mis du temps à le lire (situation personnelle compliquée oblige), je ne regrette pas d’avoir cedé si facilement. Quelle lecture !
R.J. Ellory : une voix incontournable de la littérature noire
Rien que son nom m’aimante. Il suffit de prononcer « Ellory » pour que mes yeux brillent. Le Carnaval des Ombres reste l’un de mes romans préférés, un chef-d’œuvre absolu, et Everglades vient confirmer, encore une fois, que cet auteur a ce don rare : celui de conjuguer intrigue sombre et émotion brute.
Mais au-delà de son immense talent, il y a chez Ellory une humanité tangible. Un écrivain abordable, généreux, passionné. Ça se sent dans ses livres. Ça se vit dans chacun de ses personnages. Et ça se confirme quand on le rencontre.
Août 1976. Floride. Une époque moite, suspendue, où la justice se rend parfois dans des lieux coupés du monde. Le pénitencier des Everglades, construit sur une ancienne mission espagnole, est autant un décor qu’un personnage. On y ressent l’enfermement, le danger, la menace diffuse. L’hostilité de la nature devient frontière, barrière infranchissable. Un peu comme dans La Ligne verte, il y a cette même tension, cette même atmosphère lourde et inoubliable.
Et pourtant, à l’intérieur de ce huis clos, R.J. Ellory insuffle une chaleur humaine inattendue : Nelson Garrett, Hannah, la famille Montgomery… Des personnages vrais, poignants, attachants. Ils m’ont bouleversée. L’émotion n’est jamais sacrifiée au profit du suspense. Chez Ellory, l’âme humaine est toujours au centre.
La peine de mort, la justice, la morale : un roman qui interroge
Derrière l’intrigue et les tensions du pénitencier, Everglades aborde un thème brûlant et universel : celui de la peine de mort. C’est un sujet qui ne laisse personne indifférent, un sujet intime et collectif à la fois, profondément enraciné dans nos sociétés et nos consciences. R.J. Ellory ne cherche pas à imposer un point de vue tranché ; au contraire, il nous confronte aux paradoxes de la justice humaine. Celle qui juge, qui condamne, qui exécute et qui doute.
Aux côtés de Nelson, on vit cette ambivalence de plein fouet. Lui qui croyait avoir tout vu dans sa vie de shérif, se retrouve face à une justice crue, dépouillée, parfois absurde. Qui mérite de mourir ? Qui peut décider de la fin d’un homme ? Qu’est-ce que cela dit de nous, en tant que société ? Ellory n’épargne rien. Il met en lumière les failles du système, les zones grises, les silences coupables.
C’est un roman qui m’a rappelé ces longues discussions en cours de philosophie, où chacun tentait de répondre à cette question insoluble : peut-on défendre une justice qui tue ? À travers des personnages justes, ni parfaits ni totalement corrompus, Everglades questionne notre capacité à juger et à vivre avec nos jugements.
Ce n’est pas un livre à thèse, mais un roman qui sème le doute, et c’est bien plus fort. Car une fois la dernière page tournée, il reste ce vertige moral, cette interrogation lancinante : la justice, oui… mais à quel prix ?
Les bonnes raisons de lire Everglades :
- Pour la plume d’Ellory, toujours aussi belle, ciselée, bouleversante. Une écriture qui touche sans jamais forcer.
- Pour l’ambiance : moite, suffocante, inoubliable. Les Everglades deviennent un personnage à part entière.
- Pour ses personnages, profondément humains, blessés, terriblement justes.
- Pour l’intelligence du propos, et la manière nuancée dont Ellory aborde la justice, la peine capitale, l’autorité et l’oubli.
- Pour les émotions : car oui, vous allez trembler, réfléchir, mais surtout, vous allez ressentir.
- Parce que c’est un Ellory, et que chaque roman est un bijou, celui-ci méritant une place de choix dans son top 5.

En bref :
Everglades, c’est du grand Ellory. Du noir lumineux. De la douleur, oui, mais transcendée par l’écriture. C’est un roman que j’ai lu au bon moment, même si je ne le savais pas encore. Un roman qui m’a réconciliée avec l’intensité de la littérature noire alors que je ne cherchais que lumière.
Alors, si vous croisez Myriam, ou toute autre voix qui vous pousse à ouvrir ce livre, écoutez-la. Vous ne le regretterez pas.
4ème de couverture :
« Vous chassez des ombres. Et elles vous échapperont toujours. «
Août 1976. Garrett Nelson est shérif adjoint en Floride. Lors d’une arrestation qui tourne mal, il est grièvement blessé. C’en est fini pour lui du service actif. Suivant les conseils de sa thérapeute, Hannah Montgomery, il rejoint le père et le frère de celle-ci à Southern State, en tant que gardien au pénitencier d’État. Édifiée sur l’emplacement d’une ancienne mission espagnole située au beau milieu des Everglades, la prison est censée être d’une sécurité absolue. Et pourtant… Entre un étrange suicide et une curieuse évasion, l’instinct d’enquêteur de Nelson reprend vite le dessus. Dans ce milieu clos, cerné par une nature hostile, il va bientôt se rendre compte que les murs renferment des secrets aussi dangereux que bien gardés.
Après Seul le silence et Une saison pour les ombres , R. J. Ellory poursuit avec ce thriller crépusculaire sa réflexion sur la nature humaine et sa part de ténèbres. Personnages d’une rare humanité, force d’émotion exceptionnelle, sens remarquable de l’intrigue et du suspense : on retrouve ici tout ce qui fait la puissance et la beauté de son œuvre.
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