Trauma(s) – Karine Giebel

« Sa profonde gentillesse, son empathie naturelle. Son amitié indéfectible.
Affronter l’adversité à deux est tellement moins difficile. »

Trauma(s) - Karine Giebel
Et chaque fois mourir un peu
Tome 2
En librairie depuis le 10 octobre 2024 chez Recamier – 752 pages, 24€

Un final bouleversant pour une duologie hors norme

Grégory est infirmier humanitaire. Des années sur le front, sans arme ni gilet pare-balle, à sauver des vies au péril de la sienne. Des années à affronter la violence, la mort, la misère, jusqu’à frôler l’impensable.
Lors d’une dernière mission en Afghanistan, tout bascule : les humanitaires deviennent eux-mêmes des cibles. Les balles sifflent, les masques tombent. La survie devient la seule mission.

Mais la vraie guerre commence après. Celle qui se livre dans la tête de Grégory.
Les souvenirs envahissent ses jours et ses nuits. Les traumas s’accumulent et creusent en lui des fissures béantes. Son esprit se fragilise, se cabosse, se brise parfois. Trauma(s) raconte cette lente dégradation, cette lutte acharnée pour continuer à vivre alors que tout semble conspirer contre lui.

Vous aussi, vous avez parfois des livres que vous laissez volontairement reposer, parce que vous savez qu’ils ne seront pas de simples lectures, mais de véritables épreuves émotionnelles ?
C’était mon cas avec Trauma(s).

Karine Giebel est mon autrice de roman noir préférée depuis des années. Ses livres me bouleversent toujours, me dérangent souvent, mais je les dévore avec un plaisir presque masochiste. Et pourtant, après avoir lu Et chaque fois, mourir un peu (le premier tome de cette duologie), je me suis arrêtée net. Ce roman m’avait laissée sonnée. Ébranlée. J’avais l’impression d’avoir voyagé en enfer et d’en être revenue changée.

Alors, ouvrir Trauma(s)… j’ai reculé. J’ai hésité. Parce que je savais qu’il ne s’agissait pas simplement de retrouver un personnage, mais de plonger tête la première dans ses ténèbres. Parce que je savais que Karine Giebel ne m’épargnerait rien.

Mais voilà, la sortie prochaine du nouveau roman de l’autrice approchant, il était temps de boucler la boucle. Et j’ai bien fait. Car Trauma(s) est un livre qu’il faut affronter. Oui, affronter, pas seulement lire.

Là où le premier tome nous plongeait dans le bruit des combats, dans l’action et l’adrénaline des missions, Trauma(s) nous installe dans le silence angoissant de l’après. Et ce silence est assourdissant.

Karine Giebel nous fait entrer dans les méandres d’un cerveau blessé. Nous vivons les cauchemars de Grégory, ses crises, ses hallucinations, ses colères. Nous sommes témoins de son isolement, de son incapacité à demander de l’aide, de son sentiment d’injustice.

Ce roman ne raconte pas seulement l’histoire d’un homme traumatisé. Il questionne la société toute entière. Que faisons-nous de ceux qui reviennent brisés de leurs missions, qu’elles soient militaires ou humanitaires ? Quelle place leur donne-t-on ? Quelles ressources met-on à leur disposition pour les aider à se reconstruire ?

Grégory est un personnage comme on en rencontre peu. Ni héros, ni victime. Il est les deux à la fois. Fort et fragile, sain et instable, lumineux et sombre. Si j’ai eu un peu de mal dans le premier livre, à m’attacher à lui, ici c’est tout l’inverse.
Cette ambivalence est fascinante. On veut le protéger, on veut l’aider, mais parfois, on le craint. Karine Giebel réussit à rendre palpable cette tension, cette dualité, et cela rend le roman profondément humain.

Si j’ai été autant bouleversée, c’est aussi grâce à Paul. Cette amitié entre deux hommes est sans doute l’une des plus belles relations que j’aie lues ces dernières années. Pas de grands discours, pas de démonstrations spectaculaires : juste une présence constante, un soutien indéfectible, une loyauté sans faille.
Dans un roman si sombre, ce lien est comme une lumière au loin. Paul est l’ancre qui empêche Grégory de sombrer complètement. Et nous, lecteurs, nous nous accrochons à cette relation avec la même intensité que Grégory.

Lire Karine Giebel, c’est accepter d’être secoué.e. Son style est fait de phrases courtes, d’ellipses qui claquent comme des gifles, de dialogues qui résonnent longtemps après qu’on a tourné la page.
Elle écrit avec une intensité presque physique : chaque mot est pesé, chaque silence a du sens. Elle alterne la brutalité des scènes les plus dures avec des moments d’une poésie discrète, des instants suspendus où la douleur se fait presque beauté.
C’est cette écriture sans fioritures, sans concession, qui rend Trauma(s) si puissant. Elle ne ménage ni ses personnages, ni son lecteur, mais elle les respecte toujours.

  • Pour comprendre de l’intérieur ce que vivent les personnes souffrant de stress post-traumatique. Karine Giebel ne se contente pas d’évoquer le sujet, elle le décortique.
  • Parce que Giebel excelle dans la construction psychologique de ses personnages. Chaque page vous rapproche de Grégory, de ses doutes, de ses blessures.
  • Pour ressentir, vibrer, être bousculé : ce livre ne se lit pas passivement, il se vit.
  • Pour découvrir une amitié masculine magnifique, rare et absolument magnifique.
  • Pour réfléchir sur la santé mentale et notre système de soins. Le roman met en lumière des manquements réels et pose des questions essentielles.
  • Si vous traversez un moment fragile, cette lecture peut être trop lourde émotionnellement.
  • La longueur (plus de 700 pages) et le rythme lent de certaines parties peuvent décourager les lecteurs en quête d’action.
  • Les scènes sont parfois très sombres, très dures. Il faut s’y préparer.
  • Si vous cherchez une lecture « feel good », ce n’est pas le bon moment.
  • L’introspection est au cœur du récit : si vous préférez l’action pure, vous risquez de trouver le roman trop contemplatif.

Ce n’est pas un coup de cœur dans le sens habituel, je ne peux pas dire que j’ai « adoré » souffrir avec Grégory. Mais c’est un livre marquant, important, qui ne s’oublie pas.

En refermant Trauma(s), j’avais le sentiment d’avoir vécu un combat. D’avoir survécu avec Grégory. D’avoir compris un peu mieux ce que c’est que d’être brisé et de tenter de se relever malgré tout.

Karine Giebel prouve une fois de plus qu’elle n’a rien à prouver. Son écriture est brute, tranchante, mais d’une sensibilité rare. Elle nous prend par la main et nous entraîne là où ça fait mal, pour mieux nous rappeler qu’il y a toujours un peu de lumière, quelque part.


Avec Trauma(s), Karine Giebel met un point final à son roman Et chaque fois, mourir un peu.

Après des années sur le front sans arme ni gilet pare-balle, après des années à soigner les autres au péril de sa vie sous l’égide de la croix rouge internationale, après avoir pris de plus en plus de risques jusqu’au risque de trop, une autre guerre attend Grégory.
Lors d’une dernière mission en Afghanistan les rôles s’inversent : les humanitaires deviennent des cibles.
Après tous les combats qu’il a menés, Grégory va devoir sauver sa propre vie et celle de ses collègues.

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