« On naît seul, on meurt seul. »

Résumé éditeur :
Birmingham, Alabama, 1963. Le corps sans vie d’une fillette noire est retrouvé. La police s’en préoccupe de loin. Mais voilà que d’autres petites filles noires disparaissent…
Bud Larkin, détective privé bougon, alcoolique et raciste, accepte d’enquêter pour le père de la première victime. Adela Cobb, femme de ménage noire, jeune veuve et mère de famille, s’interroge : « Les petites filles, ça disparaît pas comme ça… »
Deux êtres que tout oppose. A priori.
Mon avis :
Un peu plus d’un an que j’attendais la sortie en poche de ce roman. Il m’a toujours attiré : son titre, sa couverture, son résumé bref j’ai su (pour une fois) être patiente et dès sa parution chez Pocket, je suis allée l’acheter, enfin. Tout d’abord, j’ai été agréablement surprise de voir que cette histoire écrite à 4 mains venait de deux auteurs français. L’intrigue se déroule aux États-Unis, au début des années 60 (jusque là, je ne vous apprends rien) et le sujet traité et on ne peut plus important. Alors que le président Kennedy vient de tenir son discours sur les droits civiques, invitant chaque américain à arrêter de parler de couleurs, une petite fille noire est retrouvée morte. En Alabama, on peut difficilement parler de tolérance. La déségrégation est loin d’être d’actualité et les personnes de couleurs font face à une véritable haine de la part des blancs et bien sûr du Ku Klux Klan.
Ce livre aurait pu être très pénible à lire, j’entends par là, la lecture de propos extrêmement racistes, de violences et de discrimination envers la population noire. Cependant, et c’est ça qui m’a particulièrement plu, les dialogues du récit rendent l’histoire beaucoup plus facile. La répartie d’Adela qui ne se laisse pas faire, le caractère grognon de Bud, le détective et la fantaisie de Gloria permettent d’apporter une certaine légèreté à cette histoire dramatique tout comme les papotages entre copines à la laverie. J’ai adoré suivre ce duo improbable pour l’époque. Leurs différences mutuelles les rendent plus forts et donnent une saveur agréable à cette enquête. Je ne suis pas en train de vous dire que ce roman est une bonne distraction et qu’il sous estime la condition des personnes de couleurs, bien au contraire. Cette approche rend justement le récit encore plus percutant puisqu’on est complétement immergé dans le quotidien des Alabamiens.
Avec les mots des deux auteurs, on est à la fois effaré et rempli d’espoir. Oui, il y a une forte place à l’espoir notamment grâce à la relation qui se construit petit à petit entre nos deux enquêteurs, qui fait évoluer au moins un peu les mentalités et ça, malgré les propos rebutants et les actions immondes d’hommes et de femmes qui se pensent supérieurs aux autres juste parce qu’ils ont la peau blanche. J’ai passé un très bon moment en compagnie de ces personnages. J’ai beaucoup aimé les quelques clins d’œils aux acteurs marquants de l’Histoire avec un grand H : Rosa Parks qui a refusé de céder sa place à un blanc dans le bus, Martin Luther King et son célèbre discours « I have a dream » prononcé en août 1963…
Avec Alabama 1963, on est invité à vivre, durant les 384 pages dans une communauté colorée, non pas par la couleur de la peau mais la volonté d’améliorer les choses et l’espoir. J’ai eu envie d’aller boire une tasse de thé dans le salon d’Adela en compagnie de Bernice, Sid, Elijah et Bud. J’ai eu envie d’aller à laverie avec les copines pour aller commérer et se confier. J’ai eu envie de leur dire que moi aussi je suis révoltée par ce contexte qui malheureusement perdure encore dans de nombreux états d’Amérique.
Et l’enquête dans tout ça?
Rudement bien ficelée, elle va nous mener vers diverses pistes, nous faisant douter. Qui est le coupable de ces meurtres barbares ? Les rebondissements sont multiples, l’enquête piétine à cause d’une police qui ne s’implique quasiment pas. A quoi bon… Les petites victimes sont des petites filles noires. On a envie de les secouer, de leur dire de faire leur travail mais non… Ça traîne et les meurtres continuent. Bud se lance à reculons. Raciste, il ne donne pas beaucoup de sa personne pour trouver le meurtrier. Imbibé d’alcool en permanence, il noie un passé douloureux qu’il n’arrive pas à affronter. Lorsque malgré lui il s’associe à Adela, les choses vont changer progressivement grâce à la ténacité de celle qui au départ, avait été embauché en tant que femme de ménage. C’est quand il frappe à la porte des familles noires afin de récolter des témoignages qu’on ressent vraiment le faussé qui existe entre les deux populations. La surprise de voir un duo si improbable et atypique laisse place aux confessions. L’enquête progresse jusqu’à un dénouement que je n’aurais jamais vu venir.
Pour conclure, je dirais qu’Alabama 1963 est un roman aussi dur que magnifique. Nécessaire, il a sa place dans toutes les bibliothèques. Aussitôt terminé, je l’ai racheté, pour cette fois l’offrir à un ami. Parce que c’est ça la passion de la lecture, c’est le partage. Un livre comme celui-ci ne doit pas rester dans l’ombre, il doit perdurer encore et encore car cette histoire reflète une bien triste réalité qu’il ne faut nullement nier ou ignorer.
Vous l’aurez compris, si comme moi vous n’avez pas lu cette histoire lors de sa sortie, il est temps d’y remédier. N’hésitez pas, vous allez être chamboulés, bousculés mais vous allez aussi être bouleversés et émus. La rencontre avec Adela et Bud est vraiment un grand moment de littérature. Bravo.

[…] Alabama 1963 de Ludovic Manchette et Christian Niemec […]
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