« Elle avait appris à se relever, quoi qu’il en coûte, en dépit de la douleur, de la honte, de la faim, de la fatigue ou du froid. C’est cette capacité qui la poussait à mettre un pied devant l’autre à cet instant. Encore. »

4ème de couverture :
Chatou. Fin des années 1990. Deux nouveaux-nés sont trouvés et confiés à l’Assistance publique. Des jumeaux que l’existence va vite se charger de séparer.
Trappes. 2020. Balloté de foyers sordides en familles d’accueil, Antoine, dit « Tony », s’est construit tant bien que mal avec l’idée que la vie est un combat. Il lutte pour mener de front études de droits et petits boulots, et qui sait : dépasser sa condition.
Alors que tout ce qu’il réussit à faire est d’accumuler les dettes, se présente un beau jour à sa porte un certain Raphaël. Raf, c’est son frère, sa copie conforme et son exact contraire, un hériter qui a les codes et la confiance qui va avec. Raf a un plan qui peut changer le destin de son frère. Passé la surprise de la première rencontre, Tony hésite à qualifier la visite de providentielle. Car il n’oublie pas : l’échec est inscrit en lui depuis son premier cri. Mais il reste l’espoir. Cet espoir qui engendre le supplice.
Ce que j’en ai pensé :
Claire Favan ne fait pas dans la dentelle. Pour celles et ceux qui la suivent, vous le savez déjà, pour les autres, je vous le dis. Claire Favan est une auteure de thrillers psychologiques intenses, noirs et terriblement bien construits. Avec De nulle part, elle nous raconte l’histoire de jumeaux monozygotes, abandonnés à la naissance sur le parvis d’une église. Quand la protection de l’enfance accepte de les faire adopter séparément (si, si je vous jure), une vie faite d’opulence s’offre à l’un quant à l’autre, misères sur galères comme seul horizon… Mauvaises rencontres, mauvais accompagnement… A travers cette histoire, l’auteure dénonce les failles immenses d’un système sensé tout faire pour protéger et assurer un avenir à des enfants qui n’ont plus rien. Je ne doute nullement de la véracité des faits apportés, notamment concernant la prise en charge de ces enfants en difficulté. C’est ce qui rend ce thriller d’autant plus effrayant. Sachez que ce livre ne sort malheureusement pas que de l’imaginaire de Claire Favan. Elle s’est inspirée d’histoire de famille, de sa famille. Elle vous expliquera tout ça lors des toutes dernières pages.
Les défaillances du système, les difficultés réelles de l’ASE (aide sociale à l’enfance), notamment financières et administratives amèneront ces deux personnes à emprunter des chemins soit, différents et pourtant pas tant que ça. En intégrant la gémellité à son thriller, l’auteure nous offre un véritable page-turner. Pourtant, j’avais quelques réticences, ce thème ayant été abordé tant de fois, je craignais une certaine forme de redondance. Que nenni ! Déjà, la plume est significative, je la reconnaitrais entre 100 : sensible et dure, chaque ponctuation est réfléchie, chaque dialogue a son utilité. Un mot est un mot, j’adore. Une fois de plus, on s’attache aux personnages, il y a ce petit quelque chose qui rend les récits de Claire différents, humains. Les décisions que prennent les frères sont une succession de mauvais choix. On va entrer dans un tourbillon de malheur, de déchéance. Deux frères tellement différents, deux frères que tout oppose. On aime l’un alors qu’on déteste l’autre. La 1ère partie du roman est lente, elle permet d’instaurer un climat oppressant, difficile, puis tout s’enchaîne. Là, on assiste impuissant à la dégringolade.
Même si j’ai vu venir le twist, l’histoire n’en fût pas gâchée car l’approche était parfaite. J’ai savouré ma lecture avec beaucoup d’intérêt. On a beau essayer de détester certains personnages de part leurs actes odieux, c’est difficile car l’empathie prend le dessus. Bien sûr, cela n’excuse en rien leur méfaits, mais ça aide à comprendre, dans la mesure du possible. Et que dire de cette fin…?
pour conclure :
Un thriller psychologique bien noir mais terriblement humain. Un cri de révolte contre cette société qui n’est pas à la hauteur, notamment dans la protection de l’enfance. Des personnages forts, une intrigue palpitante, une écriture magnifique. Un récit lourd mais puissant. Au détour des quelques morts que l’on croise, c’est surtout un thriller social qui nous est proposé. Ce qui n’enlève rien à son suspense, à sa profondeur, bien au contraire. Une réussite, encore une fois, signée par l’une des plus grandes auteures de littérature noire. Bravo, c’est indéniablement un excellent livre.

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