
Les Éditions des Lacs sont une maison d’éditions toute neuve qui a vu le jour en 2019 avec Morgane Antonia Laghi-Perseghin et Bruno Laghi. Aujourd’hui c’est avec eux que j’ai eu la chance d’échanger autour des 10 questions ci-dessous. Je les remercie infiniment pour leur bienveillance (qui n’était plus à prouver me concernant) et pour le temps qu’ils ont consacré pour y répondre. La découverte de ces personnes et plus généralement de la maison d’éditions en 2020 a été un événement marquant de mon année de lectrice tant ils ont su m’apporter de la bonne humeur et des sourires à travers les réseaux sociaux. A votre tour de découvrir où redécouvrir qui se cache derrière cette entreprise à taille humaine.

Pouvez-vous vous décrire en quelques mots pour les lecteurs de black-books qui ne vous connaissent pas encore ?
Nous sommes Morgane et Bruno, mariés et associés dans ce projet. On dit souvent qu’à défaut d’être passionnants (car ce n’est pas à nous d’en juger), on a au moins le mérite d’être passionnés ! « Éditions des lacs » est une maison d’édition de littérature (romans, nouvelles, genres autobiographiques, poésie) généraliste et indépendante, située près de Mulhouse à deux pas des frontières suisse et allemande. C’est très Rive gauche, mais celle du Rhin ! Avec l’accent qui va avec, évidemment.
Qu’est-ce qui vous a décider à vous lancer dans la grande aventure qu’est l’édition en 2019 ? Quelles ont été vos démarches, vos craintes, vos motivations ? Comment réussir à créer un réseau de professionnels autour du monde du livre ? (je sais, je triche, ça fait plus d’une question ça ! 😊)
La passion des mots avant tout, l’envie de pouvoir contribuer à notre modeste niveau à les faire voyager, à les promouvoir. Le besoin de se sentir utile aussi, sans doute. Avec au départ, la crainte de ne pas être pris au sérieux et… de ne pas trouver d’auteurs ! La structure juridique a été créée en 2019, pour nous permettre de démarcher avec crédibilité les prestataires dont nous avions besoin pour ce projet : imprimeur, correcteur, graphiste, mais surtout diffuseur et distributeur pour assurer une présence en librairies à nos futurs auteurs. Mais c’est en 2020 que nous avons commencé à exister aux yeux du monde avec notre première parution qui fut « Le nombril de Solveig » d’Olivier Sorin, le 25 février. Depuis, on soigne chaque jour notre syndrome de l’imposteur grâce au soutien de nos partenaires, des libraires, des auteurs et des lecteurs. 😉
D’où vous vient votre bienveillance concernant à la fois les auteurs que les lecteurs ? Le nom de votre maison d’éditions en dit long sur votre façon de voir les choses, je cite « Nous avons pour ambition d'être le juste reflet d'histoires de vie. C'est pourquoi nous avons choisi cette thématique de l'eau : sa surface est un miroir. Qu'il s'agisse de romans, de témoignages, de nouvelles ou de poèmes, nous espérons que chacun d'entre vous saura trouver chez nos auteurs un petit bout de lui-même. »
Nous sommes dans notre travail comme nous sommes dans la vraie vie, rien de plus. Souvent enjoués, parfois étourdis, en essayant de jongler au mieux entre les challenges de notre profession et les impératifs ou les tracas de notre vie personnelle. Au réveil, nous n’enfilons pas de « costumes d’éditeurs ». Nous allons simplement prendre notre petit déjeuner, les cheveux en bataille, le pyjama froissé et avec parfois encore la trace de l’oreiller gravée sur la joue. Et tout aussi simplement, nous nous mettons à travailler une fois que le café noir et la douche ont fait leur effet. Nous sommes tous les deux profondément curieux des autres malgré nos caractères radicalement opposés – et l’expression de notre intérêt pour autrui qui est très différente aussi.
Morgane, malgré le contexte de la crise sanitaire que l’on connaît tous, vous avez pris le parti d’arrêter complétement votre emploi précédent pour vous consacrer uniquement à l’édition, quel courage ! Qu’est-ce qui vous a fait prendre cette (très bonne) décision ?
Je n’ai pas quitté mon travail, je crois que c’est lui qui m’a quitté. J’étais cadre en assurances spécialisé dans la responsabilité civile et le dommage aux biens des entreprises du bâtiment et du secteur industriel (Atchoum). J’ai pourtant profondément aimé mon travail et œuvré chaque jour à redorer le blason d’une profession qui n’a jamais eu très bonne presse mais après 10 ans de bons et loyaux services (je l’espère en tout cas), les conditions dans lesquelles j’exerçais ont éteint la flamme …et ainsi laissé toute la place au brasier de la passion.
Pouvez-vous nous expliquer à nous lecteurs, comment se passe dans les grandes lignes le processus d’éditions, du moment où vous recevez un manuscrit au moment où il est dans nos rayons de librairie ? Sur quoi vous basez-vous lorsque vous sélectionnez un manuscrit ?
Une fois un manuscrit retenu par le comité de lecture, la première étape (et sans doute la plus grisante pour tous !) est d’annoncer la nouvelle au principal intéressé. Ensuite, c’est un gros travail commun qui s’enclenche. Nous présentons l’ouvrage à la diffusion et la distribution qui seront chargées de le promouvoir et de le présenter aux libraires. En parallèle, nous travaillons avec l’auteur sur la couverture, la mise en page intérieure, la réalisation d’une bande-annonce vidéo, la mise en place du plan de communication. En réalité, nous sommes simplement des chefs d’orchestre et faisons en sorte que tout soit prêt dans les temps, pour que le livre paraisse à la date définie.
Pour retenir un texte, on se base énormément sur la cohérence qu’il peut y avoir entre le fond et la forme, que l’écriture soit au service de l’histoire comme l’inverse.
Pour notre premier-né « Le nombril de Solveig » qui traite (entre autres) d’une histoire d’amour à l’épreuve du temps, qui accepte à la fois les silences comme les absences, il fallait l’écriture riche d’Olivier Sorin, qui par moments nous fait (re)découvrir des mots tombés en désuétude. Quelle alchimie entre l’écrin et le trésor qu’il contient ! Dans une société où nous surconsommons tout, même les relations, c’est une vision presque dépassée de l’amour que nous offre l’auteur tant il est durable et compréhensif.
Pour « Dans l’ombre de Mei » de Lysiane Gardino, ce qui nous a plu et qui pourra plaire/déplaire aussi, c’est la temporalité. Tout s’y passe vite, d’abord les sentiments puis les rebondissements. Bien souvent, une fois le doute levé sur une histoire familiale, la boîte de Pandore s’ouvre et les révélations s’enchaînent. Mais aussi parce que ces personnages cabossés par la vie, dont on apprend bien plus dans leurs nombreux dialogues que dans leurs descriptions, ont un sentiment d’urgence en eux, un vide à combler coûte que coûte.
A travers les réseaux sociaux, on voit bien que vous entretenez avec vos auteurs une relation particulière, un peu comme une bande de copains. Est-ce toujours aussi rose que cela ? Quelles difficultés rencontrez-vous parfois avec les auteurs ?
Les auteurs osent même dire « comme une famille », et c’est là notre plus grande fierté. Et pour l’instant, tout est bien rose. Il y a bien sûr des débats (autour de la couverture, au sujet du placement de leur œuvre dans une collection etc.) mais rien que ne vienne jamais ternir cette couleur ! Nos auteurs ont compris que l’on pouvait absolument tout se dire, qu’il s’agisse d’états d’âme, de préférences en matière de communication ou de questions financières. C’est important pour nous de travailler dans la transparence et surtout sans tabou, car nous sommes tous dans la même barque et devons naviguer dans le même sens.
Comment décririez-vous votre ligne éditoriale ? On voit bien que vous proposez des auteurs aux univers divers et variés mais avez-vous certains critères non négociables pour permettre à un manuscrit d’être édité chez vous ?
Le critère non négociable : il faut que ce soit l’histoire de gens ordinaires. Nous recherchons LE truc qui pourrait t’arriver à toi aussi. L’amour éperdu, la fuite, le poids de la culpabilité ou de l’hérédité, la quête d’identité, la reconstruction, la maladie ou que sais-je. C’est pourquoi nous proposons au sein de notre maison d’éditions généraliste et indépendante différents genres littéraires. Ces thèmes si intimes peuvent être abordés de tant de façons différentes !
Plus personnel, quel genre littéraire vous fait le plus vibrer ? Un titre de roman en particulier a marqué à jamais votre vie de lecteurs ?
En ce qui me concerne, je suis une grande lectrice de thrillers et polars qui restent mes genres de prédilection mais je suis aussi une admiratrice inconditionnelle des travaux et des œuvres de Boris Cyrulnik et d’Emil Cioran. Cependant, si je devais retenir un titre de roman qui a marqué ma vie de lectrice, c’est « Lettre à Laurence » de Bourbon Busset. Il est d’une sincérité à vous tordre le cœur. Ce livre est la trace de cet amour conjugal exceptionnel. Ce qu’aime Bruno, ce sont plutôt les biographies, les reportages, les enquêtes, les romans tirés de faits réels. Il a besoin de ce lien avec la réalité pour apprécier pleinement ses lectures. Mais son livre de chevet depuis toujours est « Le petit Prince » d’Antoine de St Exupéry. En fait, nous ne lisons absolument pas les mêmes choses. Et cette complémentarité est une force et fait naître des débats passionnés lorsqu’il s’agit défendre un ouvrage !
Une nouvelle collection fiction va voir le jour très prochainement. Avec ABYSSES vous allez proposer des romans noirs, des thrillers ou des polars. En tant que lectrice passionnée de ce genre littéraire (mais pas que), vous vous doutez bien que vous captez toute mon attention.Pouvez-vous nous en dire un peu plus ?
Il nous a paru logique de créer une collection dédiée aux histoires les plus sombres, cette collection destinée à accueillir les secrets et les exactions. C’est un petit nid douillet pour le monstre que chacun d’entre nous abrite. Nous projetons d’y intégrer au moins deux parutions par an.
Déjà 4 parutions toutes encensées par les lecteurs et 2 à venir en février, on peut dire que vous ne chômez pas ! Que nous réserve cette année 2021 avec vous ? Oublions le contexte sanitaire actuel, aurons-nous la chance de vous rencontrer ?
Nous nous agitons dans tous les sens et pourtant, 4 parutions et 2 à venir pour le mois prochain, c’est si peu ! Mais nous souhaitons volontairement conserver un « petit » nombre de parutions pour pouvoir accorder le budget et le temps nécessaire à chaque auteur. Nous avons pour l’instant deux salons en projet, une seconde participation à celui de La Rochelle et un autre plus local. Des séances de dédicaces de nos auteurs sont en cours de programmation. Et nous deux, doutant de pouvoir prendre des vacances cette année, nous nous autoriserons quelques week-ends en France et l’étranger pour rencontrer des libraires ou des lecteurs avec lesquels nous échangeons (en écrivant cela, on a une énorme pensée pour Elsa qui fait un houmous à se taper le derrière par terre, franchement !), revoir nos auteurs ou les rencontrer pour la première fois comme Lucrezia Lerro que nous rencontrerons à Milan. Nous avons tous été isolés l’année passée, tant sensoriellement qu’affectivement, et sommes très attachés au contact humain que nous espérons pouvoir retrouver cette année.
Un petit mot pour terminer ? Libre à vous
Merci à vous, Marie, pour l’intérêt que vous nous portez et le travail que vous avez réalisé pour nous mettre en lumière auprès de ceux qui vous lisent. Merci à ceux qui nous font confiance comme à ceux qui ne nous ont pas encore donné notre chance ; c’est pour continuer d’enchanter les premiers et espérer un jour séduire les seconds que nous travaillons. Il n’y a pas une rencontre qui ne soit pas source de motivation.
Un ÉNORME merci à Morgane et Bruno qui se sont prêtés au jeu des 10 questions
(plus ou moins parce que j’ai triché!). La sincérité de leurs réponses me conforte dans l’opinion que j’avais de cette maison d’éditions. Ce fût un réel plaisir d’échanger et je suis ravie de pouvoir partager cela avec vous.
Pour retrouver l’intégralité des parutions (présentes et à venir) je vous invite à cliquer sur les photos ci-dessous 🙂


[…] mais quand même. J’ai eu le privilège de poser 10 questions à Morgane et Bruno des Éditions des Lacs. Un bel échange extrêmement bienveillant et enrichissant. R.J. Ellory s’est également […]
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